mardi 12 juin 2018

Amour et relation



L’amour est bien souvent absent des relations humaines. Les êtres humains relationnent par projection de leurs pensées, des sentiments, des désirs, des peurs, des idées préconçues, des connaissances, des intérêts, de l'expérience, de l'image des autres, du monde et de soi. Lorsque l'amour est là, l'autre est vécu comme une partie de nous-même. Ce ne peut être qu'un évènement vécu dans l'instant avec quelqu'un de présent à notre âme. Dans ce cas-là l'amour lie les âmes.

Mais cet amour crée en même temps une empreinte dans l'esprit, le corps, les énergies et les émotions, avec d'autant plus de force que l'amour est profond. Cette empreinte peut rester longtemps avec la même impression que l'autre est une partie de nous-même. Mais l'empreinte si elle n’est pas intégrée conditionne l'affect et est de nature narcissique. De plus, elle peut finir par tuer l'amour présent qui nécessite une relation toujours neuve, et il ne reste plus alors que les sentiments.

Approfondissons la question. La plupart des individus se vivent séparés de l’autre. Et chaque fois que l’on se vit ainsi, cela dénote de notre isolement intérieur et notre absence d’amour. Nous ne parlons pas ici des sentiments qui sont autre chose.

Dans cette situation la relation est de projection. Et plus nous sommes séparés, plus nous sommes hermétiques, cristallisés. La cristallisation est le résultat de l’ego et de l’expérience, l’attachement au passé, à soi et à l’image.

Inversement, l’ouverture accepte l’autre en nous, accepte le monde, que cette acceptation soit douloureuse ou plénière, car l’ouverture rend vulnérable. Et l’ouverture n’accepte pas l’univers seulement sur le plan de la conscience. Car nous ne sommes pas que des êtres de conscience. Nous sommes un corps physique, nous sommes vivants, doués de conscience et d’esprit, et par surcroit habités par l’âme, même si celle-ci est peu développée ou existante seulement potentiellement. Tout cela fait que dans l’ouverture nous acceptons l’univers à travers nos différents aspects et tous ces aspects peuvent en garder une trace, physique, énergétique, sensorielle, émotionnelle, psychologique, animique… 

En fait la relation nous construit sur tous les plans. Et la relation avec l’autre, vécue dans l’amour, nous construit tout autant sur tous les plans. Ce sont simplement différents niveaux de profondeur, l’image n’étant que le niveau le plus superficiel et personnel. Lorsque ces traces ne sont pas naturellement ou de manière volontaire intégrées, elles forment un voile qui est conditionnement du corps, de la chair, du vital, de l’émotionnel, de la psyché, et cela forme notre nature psychoaffective. Ainsi, une nature psychoaffective non intégrée est toujours de nature narcissique, car elle ne voit plus l’autre, elle ne voit qu’elle-même, et elle voit l’autre à travers elle-même.

Voyons cela sous une autre facette. L'amour dont on parle n'existe que dans la relation, quel que soit l'objet de cette relation. L'amour peut naître aussi de la relation avec l'Absolu, et la vie elle-même. Lorsqu'il y a relation, et que celle-ci s'achève, ce qui reste c'est l'image, le souvenir du vécu. L'amour, lui, est toujours neuf. Sinon ce ne serait pas l'amour. Nous pouvons vivre perpétuellement en situation d'amour, mais pour cela il faut être libre de l'image. Le cœur est alors ouvert, il est en chaque chose, et chaque acte passe par l'amour.



L'amour vient de l'âme, il peut donc transcender l'espace, et les âmes peuvent rester en unité même dans l’éloignement. L'amour qui résulte de l'unité des âmes n'est qu'une particularité de l'amour. Lorsque cette unité est dynamique et jusqu'à ce qu'elle soit rompue, l’extase de l’amour s'intensifie de manière exponentielle et l’on devient l’autre dans une magie existentielle qui n’a d’égale que dans l’unité avec Dieu.

Mais pour un couple où l'amour est focalisé sur l’autre se rajoute l'attraction, le plaisir, le désir et plein d'autres choses. Tout cela forme un amalgame avec des conséquences diverses.

Prendre conscience de tout cela ne détruit pas la relation mais peut lui donner une autre qualité.

Si nous étions tous en relation par l’amour et par nos âmes, il n’y aurait plus de problème en ce monde, et chacun vivrait l’autre en lui-même. L’existence serait une joie immense pour tout le monde, on voit très bien qu’on en est loin.

En ce qui concerne la conscience, elle porte tout ce que l’humanité a pu produire, du saint au criminel. Et lorsqu’on quitte l’identification au soi et qu’on plonge dans cette conscience, on peut tout y rencontrer. Car il n’y a qu’une seule conscience pour toute l’humanité, pour la nature, pour la création, bien qu’elle forme toutes sortes d’égrégores auxquels nous pouvons nous rattacher et qui constituent aussi l’histoire du monde. 

Par exemple si je me dis français et que je suis patriote, je fais le choix de me rattacher à cet égrégore là en particulier et de me laisser alimenter par lui avec toutes les formes consciences qu’il véhicule, auxquelles j’adhère ou non dans ma liberté. Cela fonctionne de la même manière pour le terroriste qui fait le choix de s’identifier à une idéologie du crime, même s’il met d’autres mots dessus. Donc effectivement nous portons tout en potentiel, mais nous avons la liberté d’accepter ou de rejeter ce à quoi l’on peut s’identifier, donc de laisser pénétrer ou non une conscience, une idéologie, une pensée, un système etc. auquel on va s’identifier. 

Ceci, c’est la manière dont fonctionne la conscience, car ce dont je parlais précédemment est autre chose, l’amour et l’unité des âmes. S’ouvrir au monde c’est s’ouvrir à l’humain, au réel, il ne s’agit pas d’adhérer ou de s’identifier à quoi que ce soit ou qui que ce soit. Malheureusement on confond trop souvent l’humain, et le fait que cet humain s’identifie à un système corrompu. Le problème n’est pas l’humain mais bien l’identification. Si l’on veut régler les problèmes du monde, cela ne peut se faire qu’en modifiant cette nature, il n’y a pas d’alternative. Et on ne peut commencer que par soi.

Jean-Michel Jutge